16 Avril 2011
Dans notre blog lors de l’été dernier, nous avons longuement débattu, sur les notions que le sport se devait de véhiculer. Dans cet article on veut évoquer son rôle d’intégrateur à la vie sociale du quartier de la cité, de la ville du pays. Une notion qui semble menacée.
Une étude présentée le jeudi 3 février au Sénat montre que l’impact du sport dans la restauration du lien social est mitigé
Lors de la conférence qui s’est déroulée ce jour –là au Palais du Luxembourg, l’Agence pour l’éducation par le sport a présenté ses travaux et a pu remettre en main propre à Monsieur Maurice Leroy, Ministre de la Ville, le rapport final présentant les résultats de l’ étude menée par 6 laboratoires associés, sur 24 clubs sportifs dans 12 zones urbaines sensibles de 6 régions de France. Cette analyse unique met en évidence les besoins qui existent dans ces territoires. Dans notre région était concerné le club de handball ASUL Vaulx-en-Velin et l’ASVEL section athlétisme.
Un travail sur l’impact social du sport dans les villes qui en 25 ans de politique de la ville n’avait pas été fait.
Le travail de l’Agence pour l’Education par le Sport n’en reste pas là… A l’issue de ces travaux et pour répondre aux problématiques repérées, l’Agence en partenariat avec le Secrétariat général du Comité Interministérielle des Villes, lance une expérimentation nationale qui se déroule dans une dizaine de villes ( Aubervilliers, Bezons, Boulazac, Calais, Coucouronnes, Gennevilliers, Laxou, Rochefort et Sevran) et cela sur une durée de trois ans. Cette expérimentation nationale "Pour une politique d’éducation par le sport dans les quartiers populaires", permettra la mise en place de propositions innovantes pour développer une réelle politique d’éducation et d’insertion par le sport dans les quartiers.
Jean Philippe Acensi le Délégué général de l’APELS répond aux questions des médias* :
Monsieur Acensi est_ce que le sport reste-t-il un outil d’intégration dans les quartiers ?
« Oui… dans les têtes des politiques. A l’agence on s’aperçoit que les clubs ont des difficultés d’accueil de ces publics en
difficultés. Ces derniers sont essentiellement masculins. Nous avons un avis très mitigé sur la question. La fonction intégratrice ne va pas de soi. »
Est-ce que c’est le travail fourni par ces clubs où est-ce les capacités d’accueil du public visé qui sont en cause ?
« Pour nous il y a des problèmes évidents sur le plan social ou de santé dans ces quartiers. On se rend compte que les associations sportives qui font un certain travail social sont peu reconnues par les institutions... c'est-à-dire que les collectivités locales ont des difficultés à reconnaître ce travail social . Tout cela ne facilite pas la mise en place des projets. Par exemple à Boulogne, un projet sur le handball d'un club situé dans le quartier, n’a pratiquement aucun habitant de ce quartier qui est adhérent de cette association. . On est dans l’entre-soi et à travers des sélections qu’on effectue à l’entrée du club, on ne donne pas la possibilité à ces publics d’intégrer la structure sportive. »
Est-ce ces clubs ne sont-ils pas dans une logique compétition plutôt qu’intégration ?
« Bien-sûr, le modèle qui est véhiculé sur le sport de haut-niveau c’est celui d’une compétition à outrance alors que cela
serait à nuancer par rapport à certaines pratiques sportives. Le modèle qui aujourd’hui prévaut est celui que quand on est un peu moins bon que les autres, on a de moins en moins de place dans
les institutions sportives.
Quand les politiques parlent des valeurs du sport, c’est souvent pour valoriser l’effort, la réussite. Je pense que lorsqu’on veut permettre l’éducation ou l’intégration par le sport on
se doit d’accueillir tout type de public et dans ce cas il n’y a pas de baguette magique. L’intégration par le sport, on a voulu l’instrumentaliser, à la suite de la victoire de la France en
Coupe du Monde de football en 1998. Or cette intégration n’est pas automatique.
Un club sportif, ce sont des personnes, c’est une cellule sociale où on peut ou pas, transmettre des valeurs. Il peut y avoir des bons ou de mauvais éducateurs. Dans ce cas, les
messages auront plus de mal à passer. »
Est-ce que les valeurs que l’on nous sert au travers de l’exemple des champions de ces quartiers n’est pas l‘arbre qui
cache la forêt ?
« Bien-sûr, les pratiques sportives représentent sous certaines conditions, un potentiel de solidarité et d’accompagnement. Mais tout cela nécessite des moyens, des éducateurs formés, un
projet avec des gens impliqués. Or ces acteurs ont du mal à prendre du recul du fait de certaines croyances sportives. Il ne suffit pas d’être dans un club pour être
naturellement intégré. Il faut des conditions et actuellement malheureusement, elles ne sont pas réunies. »
* interview accordé le 6 février par l’interessé à France Bleu
Ce jeudi sur France Inter dans l’émission Service Public d’Isabelle Giordano Jean-Philippe Acensi de l’APELS , le boxeur Mahyar Monshipour et Stéphane Mandard du journal Le Monde s’exprimaient sur le thème "Le sport : remède miracle pour l'intégration ?"
Nous nous faisons l’écho des propos échangées, propos qui nous ont marqué
Pour Enoch Effah du Collectif 13e Round qui met le sport au service du mieux vivre ensemble dans le 13e arrondissement parisien en suscitant la motivation, l'accès au savoir : « Ce n’est pas la boxe dans les ghettos et le solfège au centre-ville. Les valeurs que véhicule le sport en termes d’esprit d’équipe, de discipline, d’hygiène, , de communication, de respect de soi des autres sont facilement transférables et peuvent bien sûr servir dans la vie professionnelle.»
Pour Stéphane Mandard du journal Le Monde : « Les valeurs que transmettent le sport de haut-niveau sont très proches des doctrines ultralibérales que l’on trouve dans le modèle économique. Il y a des personnes qui disent que le sport est la meilleure et la pire des choses. Les valeurs ne se transmettent pas automatiquement. Ce sont les éducateurs qui le font… Au départ le football est une bonne école de vie car elle gomme les inégalités...»
Pour Mahyat Monshipour multiple champion du Monde de boxe : « C’est l’école et l’éducation de mes parents qui m’ont permis d’arriver à ce que je suis…. MOi chez-moi j'aidais ma mère à des taches menagères et je trouvais cela normal. Nous sportifs de haut-niveau, avons une mission, un devoir d’exemplarité..."
Pour Jean-Philippe Acensi : « La fonction intégratrice ne va pas de soi. Mais au niveau des clubs cela s’essouffle et on travaille avec des bouts de ficelle. La mission sociale du sport est menacée... »
Pour les intervenants, le discours sport = intégration ne marche plus chez les jeunes de quartiers défavorisés car beaucoup de ces jeunes derniers pour objectif plutôt la reussite «bling-bling » : la belle voiture, la montre Cartier, le beau manteau pour la copine…
Autres échanges :
· Le sport à l’école est relégué alors qu’il faudrait revaloriser la fonction de professeur d’EPS.
· Il faut en outre donner du sens à la pratique sportive. Lancer quelques axes sur le service civique.
· Le sport est une affaire de citoyens qui s’engagent au service des autres.
· La suppression des emplois jeunes a porté un coup grave aux clubs. Ces jeunes avaient un rôle social. Il faudrait penser à relancer ce dispositif.
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del rey jean philippe 16/04/2011 20:57