Mi-janvier 2013, la Cour des comptes a rendu public un rapport consacré au sport.
Pour la première fois, elle s’attache à analyser la performance des politiques menées par l’État dans ce domaine, en se concentrant sur les deux grands objectifs fixés par les pouvoirs publics :
- faire accéder le plus grand nombre de citoyens à une large variété de disciplines sportives ;
- figurer parmi les nations les plus performantes dans le sport de haut niveau.
1) La forte présence et le rôle régulateur de l’Etat dans le sport
L’Etat a une présence directe importante dans le sport, qu’il a érigé progressivement en politique
publique.
Il y consacre annuellement 4,3 milliards d’euros dont 3,5 milliards destinés au sport
scolaire et universitaire, notamment à travers la
rémunération des enseignants d’éducation physique et sportive.
L’enveloppe consacrée par le ministère des sports s’est élevée à 867
millions d’euros en 2012.
Sur ce montant, le centre national pour le développement du sport (CNDS) a financé le sport pour tous à
hauteur de 282 millions d’euros.
Le ministère des sports s’appuie sur ses services déconcentrés ainsi que sur un réseau d’une vingtaine
d’établissements publics nationaux, comprenant, outre le CNDS, l’institut national du sport, de l’expertise et
de
la performance (INSEP), 16 centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (CREPS) et
3 écoles nationales des sports (voile et sports nautiques, sports de montagne, cheval et équitation).
L’Etat entretient, par ailleurs, des relations particulières avec le mouvement sportif organisé, composé
du
comité national olympique et sportif français (CNOSF) et des fédérations sportives constituées sous forme
associative.
L’agrément que l’Etat délivre aux fédérations vaut reconnaissance de leur participation à une mission de
service public et entraîne l’attribution d’aides publiques sous forme de subventions et, auprès de 77
fédérations
sportives, d’affectations de conseillers techniques sportifs (CTS).
La Cour estime que, dans un contexte de grande tension pour les finances publiques, l’Etat doit adapter
sa stratégie en tenant compte des évolutions du sport et de ses acteurs, concentrer les moyens dont il
dispose sur des priorités resserrées et développer des instruments de
mesure et d’évaluation. D’autre
part, le sport scolaire et le sport universitaire doivent être intégrés aux politiques
sportives.
2) Le développement du sport pour tous
En matière de pratique sportive générale, la France se situe dans la moyenne européenne, mais avec des
inégalités marquées dans l’accès aux clubs : certains publics - femmes, personnes en
situation de
handicap, habitants des zones urbaines sensibles - demeurent
sous-représentés dans les clubs affiliés
aux fédérations, dont l’offre n’est pas adaptée à ces publics.
Les inégalités d’accès au sport recouvrent également des inégalités territoriales en
matière
d’équipement. Les territoires les moins bien dotés sont les
agglomérations importantes – en particulier la
région parisienne – et les collectivités d’outre-mer. Les zones urbaines sensibles (ZUS) sont
particulièrement
sous-équipées.
Alors que l’Etat devrait contribuer à la réduction des inégalités territoriales dans un souci de
complémentarité avec les collectivités, les subventions de fonctionnement
versées par le CNDS sont d’un
montant trop faible pour éviter un saupoudrage, et les subventions d’équipement ne vont
pas suffisamment au soutien des projets situés dans les territoires
les moins bien dotés.
En outre, le CNDS doit financer le CNOSF, verser un fonds de concours à l’Etat (60 millions d’euros entre 2009 et 2012) et prendre en charge sans compensation intégrale le soutien à l’Euro 2016 de football, soit autant de
prélèvements opérés au détriment du soutien au sport pour tous.
Enfin, la Cour regrette que le sport scolaire et universitaire ne soit pas une composante à part entière de la politique sportive de l’Etat. Une véritable ouverture de l'école et de l’université sur le monde
sportif associatif est donc nécessaire.
3) Le soutien au sport de haut niveau
A la différence du sport pour tous, l’Etat joue, dans le sport de haut
niveau, un rôle prédominant : il
intervient pour la reconnaissance du caractère de haut niveau des disciplines ; il valide les filières
d’accès
(parcours de l’excellence sportive) ; il arrête les listes des sportifs de haut niveau.
Les résultats sont encourageants, puisque la France se classe au 5ème rang mondial des grandes nations sportives, avec cependant des fragilités : le sport de haut niveau féminin est trop souvent en retrait ;
les résultats obtenus aux jeux paralympiques sont mauvais ; les médailles sont concentrées pour
l’essentiel
sur un petit nombre de disciplines.
Le sport de haut niveau évolue désormais dans un contexte de concurrence internationale avivée. Or,
en France, son périmètre est défini de façon très large, ce qui entraîne une dispersion des moyens
attribués. Ainsi, pas moins de 119 disciplines sont actuellement reconnues par l’Etat comme relevant du
haut
niveau, dont 40 disciplines non olympiques. Les listes ministérielles concernent environ 15 000 sportifs.
Les
aides financières directes ont bénéficié à 3 137 sportifs en 2011 ; leurs modalités d’octroi et de versement
sont
insuffisamment encadrées.
La Cour recommande une plus grande sélectivité des disciplines reconnues de
haut niveau et des
sportifs, mais également une plus grande concentration des moyens humains, matériels et
financiers
pour permettre un soutien efficace des sportifs les plus performants.
Les réformes engagées depuis 2009 ont visé à constituer un réseau national du sport de haut niveau dont
l’animation a été confiée à l’INSEP. Pour parachever cette évolution, la
Cour suggère qu’à l’instar de
l’agence britannique UK Sport, l’INSEP devienne l’instrument opérationnel d’une politique
mieux
coordonnée. Sous son égide, le réseau national du sport de haut
niveau pourrait être plus fortement structuré
autour de deux missions prioritaires : l’accueil des sportifs de haut niveau et la formation. En liaison avec
les
fédérations sportives, l’INSEP pourrait en outre remplir un rôle de suivi et d’évaluation de la qualité
des
préparations sportives.
4) Les relations avec les fédérations sportives
Les deux leviers principaux de l’Etat pour orienter l’action des fédérations – les
conventions d’objectifs et les CTS – devraient être mieux utilisés. Via les
conventions d’objectifs, les fédérations ont reçu
un concours financier global de 92 millions d’euros en 2012, sans que les critères
d’attribution
répondent à une stratégie claire.
D’un coût total de près de 110 millions d’euros par an, les 1 680
CTS constituent le plus important
soutien de l’Etat aux fédérations. Leur statut dérogatoire au regard des dispositions générales de la
fonction
publique n’est pas satisfaisant. Par ailleurs, leurs modalités de
rémunération devraient être révisées : les
compléments de rémunération qui leur sont versés par les fédérations doivent notamment être mieux
encadrés. Enfin, la répartition actuelle de ces emplois entre les
fédérations doit être adaptée aux
évolutions des besoins et des disciplines, notamment pour les fédérations dotées de ressources propres
importantes.
La France compte 117 fédérations agréées, contre 60 en Allemagne et 64 en
Italie et Espagne. Les
fédérations devraient constituer des ensembles plus cohérents et regrouper un nombre minimal de clubs et
de
licenciés pour disposer des moyens d’une meilleure gestion. Des rapprochements entre fédérations
permettraient des mutualisations. L’accroissement de leur autonomie passe également par la progression
des ressources propres, pour celles qui le peuvent. Pour les autres, il convient de consolider les
mécanismes
de solidarité financière.
Au sein de chaque sport, une solidarité est prévue entre les secteurs professionnel et amateur.
D’une part, ce principe est de portée limitée, car les fédérations qui ont constitué une ligue
professionnelle
et qui n’ont pas cédé les droits d’exploitation n’y sont pas tenues. D’autre part, le solde net des
transferts
financiers n’est pas toujours favorable au sport amateur.
Depuis 2000, une mutualisation des ressources entre le sport professionnel et le sport amateur a par ailleurs été instituée, grâce au dispositif dit de la « taxe Buffet ». Toutefois, l’assiette de cette taxe, dont le produit est évalué à 43,4 millions d’euros pour l’année 2012, est exposée à un risque d’érosion.
Un élargissement de cette assiette permettrait de toucher l’ensemble des recettes générées par
la
commercialisation des droits de retransmission des compétitions sportives.
Par ailleurs, l’application de la taxe aux droits cédés depuis l’étranger permettrait d’assujettir les diffuseurs français de
ces manifestations.
Recommandations
La Cour formule une série de recommandations visant à :
- adapter le rôle de régulation de l’Etat ;
- développer une politique efficace de réduction des inégalités dans l’accès au
sport;
- accroître l’efficience du dispositif du sport de haut niveau et renforcer sa
structuration ;
- réformer les relations avec le mouvement sportif et réaffirmer l’unité du sport.