2 Juin 2020
Au début de l’année 2005, La ville de Vénissieux avait consacré une triple exposition à Madeleine Lambert.
« Mado » pour les intimes fut la véritable poutre maîtresse des arts plastiques dans la ville pendant une trentaine d’années.
Une artiste engagée qui fut aussi le membre fondateur de la MAPRA (Maison des Arts Plastiques Rhône-Alpes) véritable espace d’information sur les artistes.
Elle définissait sa peinture comme « l’illusion de la création » et affirmait à qui voulait l’entendre « que peindre c’était sa manière à elle d’être libre »
En 2005 Madeleine Lambert signait son retour dans une ville qui lui tenait vraiment à cœur. Éternelle révoltée, l’artiste exposa dans trois lieux culturels : A la Médiathèque, à l’Espace Pandora et à l’Espace Arts plastiques.
Entre ombres et lumières, sa « Longue marche » était un vrai cri de révolté. Cette écorchée vive qui avait foi toutefois en l’humanité combattait toutes les iniquités. « Je ne comprends pas dans notre monde qu’il y ait encore des guerres. L’humanité a les moyens de résoudre toutes ses tensions afin que la paix règne » disait-elle.
En 24 œuvres, allant de « Nuits et Brouillards » triptyque en hommage aux victimes de la déportation en passant par « L’homme qui marche » où sur des textes de Proust, l’artiste nous avait entraîné dans une déambulation par monts, par vaux. Une véritable boucle fermée, un peu à l’image de cette société qui tourne en rond.
« Mado » aimait la littérature et Proust était partout.
L’artiste nous délivra également ses indignations comme son « Homo-Erectus » où sur la toile figure un monolithe noir et de part en part sont énumérés tous les méfaits de l’impérialisme américain de 1953 à nos jours.
Madeleine Lambert était une artiste engagée, et elle voulait que cela se sache. « Je me révolte, c’est ma façon de vivre ma liberté. Les injustices me dégoûtent. La création c’est une résistance. Derrière ce cri de révolte il y a toujours une implication individuelle qui est plus difficile à discerner. Entre ombres et lumières je continue de marcher. J’ai foi en l’humain et je pense que tout ce qui a été fait dans le chemin qui mène à la paix et la plénitude n’est pas perdu ! »
Son travail sur le groupe Manouchian, les résistants de la fameuse Affiche Rouge et sa série Nuits et Brouillard sur la Déportation étaient marquants. Madeleine déchiffrait le monde et le métamorphose à sa manière.
" Parce que prononcer vos noms sont difficiles", nous avait conté l'histoire de "l'Affiche rouge"
Ces membres des Francs-Tireurs Partisans de la Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), avaient commis de juillet 1942 à novembre 1943, rien qu'à Paris, plus de deux cents attentats (parfois 20 en un mois) contre les troupes d'occupation... Avec les vers des "Strophes souvenirs" dans les années 1950, Louis Aragon avait décrit avec réalisme, la fameuse affiche rouge qui avait été placardée par les services de la propagande allemande dans les grandes villes de France en février 1944
Cette affiche, vite appelée ''l'Affiche rouge'', présentait les portraits de dix résistants du ''groupe Manouchian'' parmi les ''Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant'' qui allaient être fusillés au mont Valérien le 21 février. Ce n'est que le 8 mai 1994 que le président François Mitterrand reconnut officiellement leur action.
Madeleine Lambert en 1997 avait rendu hommage à Missak Manouchian et à son groupe de résistants.Son mémorial " Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles… " immense fresque sur papier de chine marouflée fut une de ses œuvres les plus connues et les plus vues.
« Mado » apportait ainsi sa contribution à la résistance contre toute oppression et injustice. Sur fond du poème d'Aragon et de l'ultime lettre de Missak Manouchian destinée à Mélinée son épouse, son "orpheline", Madeleine affichait les vingt-trois noms des "suppliciés" rayés d'un trait franc et net par la barbarie nazie.
« Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant » disait Louis Aragon dans son poème.
Mais la liberté n'est pas morte, elle se reflète déjà au pied du fusillé et se nourri du sang des héros. Cette série de peintures symboliques fut la pièce maîtresse de l'exposition vénissiane.
Madeleine Lambert est décédée en 2012.
Madeleine Lambert en 2005 à l'Espace qui porte son nom.
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